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Page:Courteault - Mme Desbordes-Valmore à Bordeaux, 1923.pdf/8

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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

édition des Lettres Persanes, donnée comme soi-disant imprimée À Cologne, chez Pierre Marleau, en 1730 la troisième, en 1734 la première des Considérations. Jacques et Antoine Desbordes auraient été les grands-oncles d’Antoine-Félix Desbordes, le peintre en blasons, en voitures et en ornements d’église établi à Douai et père de Marceline. S’il faut en croire une lettre qu’elle écrivait à Sainte-Beuve, ils seraient morts centenaires, auraient été millionnaires et auraient offert à leur petit-neveu leur immense fortune, à la condition que lui et les siens se fissent protestants. Et très noblement Antoine-Félix Desbordes aurait refusé. L’histoire estelle bien authentique ? Sainte-Beuve en doutait déjà et pensait qu’elle pouvait avoir subi, dans l’imagination de l’enfant, « quelque chose de la transformation propre aux légendes ». M. J. Boulenger est encore plus sceptique : il constate que les libraires Desbordes semblent n’avoir fait à aucun moment de brillantes affaires et qu’ils moururent, l’un en 1742, l’autre en 1753. Il en conclut que Marceline n’eut peut-être pas du tout de grands-oncles en Hollande[1] ; mais la légende, si légende il y a, était fortement établie dans la famille, car elle est confirmée par Constant Desbordes, le frère de Félix.

Ce qui est plus certain, c’est que Marceline, née à Douai le 20 juin 1786, vint à Bordeaux pour la première fois avec sa mère, Catherine Desbordes, vers 1800. Elle était de ne âgée de 14 ans environ. Catherine Desbordes paraît avoir été une femme fort peu raisonnable. La brouille s’était mise dans le ménage, où la misère s’était installée à la suite de la Révolution, qui avait ruiné le peintre en blasons et en ornements d’église. Sa femme eut l’idée, passablement extravagante, de s’en aller à la Guadeloupe, afin « de retrouver un parent qui, plusieurs fois, avait appelé quelqu’un des siens pour lui rendre quelque chose de la patrie ». Elle partit avec sa fille, sans trop savoir où elle allait. Elle n’avait pas le sou. Pour se procurer un peu d’argent, elle consentit, sur le conseil d’une amie, à mettre son enfant au théâtre. Marceline débuta comme ingénue au théâtre de Lille. Puis elle joua à Rochefort et enfin à Bordeaux, au Grand-Théâtre. Une note manuscrite, conservée dans les papiers de famille et composée d’après les souvenirs de Marceline, nous fait connaitre un incident de ce séjour. La directrice du Grand Théâtre était la fameuse Suzanne Latappy.

  1. Boulenger, op. cit., p. 26-27.