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Page:Cousturier - La Forêt du Haut-Niger, 1923.pdf/66

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un sport agréable. Toutefois mes porteurs ne s’engagent dessus qu’un à un et mes hamacaires m’ont fait descendre. D’un peu loin cela ressemble à une toile d’araignée qui multiplie ses attaches aux plus hautes branches des arbres et qui aurait fléchi à force de prendre des mouches ; les mouches, c’est nous.

Dans le lit assez encaissé de la rivière s’entassent les arbres qui furent déracinés et les roches qui furent déshabillées par les affouillements des grandes eaux précédentes. La voûte verte qui ombrage l’eau est faite des grands arbres des bords opposés qui, chus à demi, s’appuient du front l’un sur l’autre, tandis que leurs racines nues s’accrochent encore à leurs berges respectives.

Sur un îlot de sable, le dernier car les eaux remontent, des femmes lavent, bavardes, rieuses. Beaucoup sont jolies et les étoffes qu’elles tordent ou qu’elles étendent ne sont pas ces pagnes blancs qu’on voit aux femmes des villages, mais des pagnes bleus décorés de blanc ou blancs rayés de noir et de jaune. Dévêtues ces femmes ont déjà l’air de citadines. Elles m’accueillent bien, mais sont impitoyables pour mes porteurs ; elles leur indiquent la zone des hommes, de l’autre côté du pont, et docilement ils vont s’y baigner comme à chaque fois qu’ils trouvent une rivière. Quelques-unes des laveuses savent me dire : bonjour, Madame, et d’autres prononçent : des sous ! Une petite fille leur apporte ceux que je lui ai remis. Alors elles éclatent de rire toutes, ravies de la conversation. Femmes de blancs ? de tirailleurs ? sûrement, et diverses de race, car on pourrait échelonner leurs nuances, du rouge au noir.


10 avril.

Macenta. — Le grand village indigène est situé au fond d’une cuvette aux bords abrupts copieusement décorés de palmiers. C’est fort joli. Le poste militaire est construit sur une colline pointue garnie de blocs de grès arrondis assez semblables à ceux que l’on rencontre dans la forêt de Fontainebleau, et de manguiers aux ombres solides que l’administration française plante en tous ses chefs-lieux comme un second drapeau.

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