Page:Couté - La Chanson d’un gas qu’a mal tourné.djvu/29

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macabres où l’on s’offrait pour quelques décimes d’horreur. Où elle revendiquait tous ses droits, c’était en faveur du « pauvre populo », qui jamais ne s’était autant vu à l’ordre du jour, c’est-à-dire de la nuit. Il y avait deux races d’hommes : les noirs et les blancs ; les noirs, c’étaient les riches, nantis de tous les vices et chargés de tous les crimes ; les blancs, c’étaient les pauvres au cœur pur. Pour sommaire qu’elle soit, je n’oserais affirmer que cette philosophie pratique ait cessé d’être vivace : elle est si séduisante dans son élémentaire simplicité ! Encore faut-il dire qu’il est infiniment moins répugnant d’entendre un pauvre — s’il en reste, — la professer, qu’un énergumène pourvu de millions dénoncer les méfaits de la « classe possédante » dont il ne se sépare ni par les excès, ni par les vices, ni par le mensonge.

On s’imaginerait mal un Couté prenant contact avec Paris en l’automne de 1898 avec un viatique de cent francs et n’ayant de débouchés que dans un cabaret où il gagne un café-crème par nuit, on se l’imaginerait mal prenant parti pour les noirs, c’est-à-dire pour les riches. Il pourrait, évidemment, se réfugier dans le rêve, chanter, lui aussi, la Dame des Songes et l’Ile d’Amour ; son génie naturel s’y refuse, renforcé par celui de sa race. On a parlé du « rire âpre des guépins de l’Orléanais »,