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Page:Couturat - Pour la Langue Internationale, 1906.pdf/22

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pour la langue internationale

que possible. L’alphabet devra comprendre les sons communs aux principaux peuples européens, et exclure ceux qui sont propres à un peuple et difficiles à prononcer pour tous les autres[1]. Il devra se composer de sons simples et francs, bien distincts : on en exclura les sons trop voisins les uns des autres, qu’une mauvaise prononciation pourrait confondre (comme les voyelles longues et brèves, fermées et ouvertes). Pour la même raison, le vocabulaire ne devra pas contenir de mots trop semblables de son, ni, a fortiori, d’homonymes (comme patte et pâte, chasse et châsse, ship et sheep). On laissera ainsi autour de chaque mot une certaine marge d’indétermination, de manière que la diversité inévitable des prononciations ne puisse donner lieu à aucun équivoque. En un mot, la L. I. devra rendre impossibles les calembours. D’ailleurs, l’expérience a prouvé que, dans ces conditions, la diversité de prononciation est insignifiante et nullement gênante ; elle sera bien moindre qu’entre des hommes de divers pays qui parlent une même langue étrangère, et tout au plus égale à celle qui subsiste entre des compatriotes de diverses provinces parlant la langue littéraire de leur pays.

Réponse à quelques objections.

Nous venons de répondre à l’une des objections qu’on adresse le plus fréquemment à la L. I., à savoir la diversité de prononciation inévitable entre personnes de différents pays. Nous avons à en réfuter deux ou trois autres, qui tendent toutes à nier la possibilité d’un vocabulaire international.

On dit d’abord que la L. I. ne pourra pas rendre les idiotismes, les tournures et les métaphores de chaque langue vivante. Sans doute, puisque, par définition, un idiotisme est une façon de parler propre à une seule langue. Mais aucune langue étrangère non plus n’est capable de les rendre. Qui donc a jamais prétendu traduire littéralement en anglais ou en allemand les idiotismes du français, par exemple la locution : tiré à quatre épingles ? Bien mieux : un Français parlant sa

  1. Par exemple, l’u français, les th anglais, le ch allemand. En revanche, on n’ira pas jusqu’à proscrire l’r (comme le Volapük) sous prétexte que les Chinois ne peuvent pas le prononcer.