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RIVAROL


1754 — 1801



On sera peut-être surpris de voir figurer Antoine Rivarol dans la galerie des poëtes français. Quand il prit la peine de rimer, en effet, ce causeur de génie, ce journaliste plein d’éclat, ne fut guère qu’un parodiste médiocre. Il serait ridicule de prendre au sérieux aujourd’hui la parodie du Songe d’Athalie, ou celle du Récit de Théramène, ou le dialogue satirique intitulé le Chou et le Navet, ou même la Réponse de la Couleuvre aux éloges que madame de Genlis lui a adressés. Ces faibles écrits suffiraient pourtant à démontrer que, s’il eût voulu, Rivarol eût pu grimper aisément, comme tant d’autres versificateurs de son siècle, au haut de la petite cime du Parnasse et caracoler avec une gracieuse hardiesse dans les petits chemins de traverse de la poésie. Je ne connais personne, excepté Voltaire, parmi les beaux esprits du xvm e siècle, qui eût été capable de trouver, presque sans y songer, les jolis Vers à une jeune ignorante.

N’eût-il fait que cette pièce, Rivarol aurait certainement le droit de la placer dans une anthologie. Elle entrera donc dans la nôtre, où elle sera recueillie comme la fille unique d’une muse éphémère, comme une orpheline de bonne maison qu’on reconnaît à son grand air et qu’on adopte, malgré le hasard de sa naissance et de sa destinée. En la recueillant, d’ailleurs, nous ouvrons la porte à une intéressante question d’histoire littéraire. Comment se présente-t-elle isolée ? Comment Rivarol, à une époque où l’esprit semblait être l’élément même de la poésie, n’eut-il pas l’ambition de prendre rang parmi les poëtes ? Ne serait-il pas possible que, dans son orgueil de patricien de la république lettrée, il n’eût pris secrètement pour maxime la fière devise des Rohan : Roi ne puis, prince ne daigne, Rohan suis ? Tandis que Voltaire