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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/126

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SOUVENIRS

me poursuit de ses plaintes !… Ah ! la France, la France ! je ferai ma destinée de son bonheur !

Mon Dieu, quelle est cette patriote emphatique ? me dit Mme votre mère. La Marquise d’Esclignac ne la connaissait pas plus que moi, mais nous décidâmes que ce ne pouvait être que la fille de M. Necker, et d’autant mieux qu’elle était en colloque avec le Duc d’Aiguillon, à qui personne ne parlait jamais, et de plus, avec cette Mme de Lameth, qu’on appelait Dondon Picot. Mme d’Esclignac se leva pour s’en aller souper chez elle avec ses dattes de Smyrne, et voilà Mme de Staël assise à sa place, à côté de nous, et au-dessus de moi, c’est-à-dire au plus près de Mme de Matignon, qui faisait les honneurs de la maison de son père, et cela, sans autre cérémonie de la part de cette ambassadrice, et sans m’en adresser un mot d’excuses ! Vous voyez comme elle avait bien pris les habitudes du grand monde avec MM. Louis de Narbonne et Mathieu de Montmorency.

— Madame de Créquy, me dit-elle avec une familiarité charmante, je suis enchantée de faire connaissance avec vous. Il y a long-temps que j’en désirais l’occasion, et je vous avouerai que j’ai pour votre famille une prédilection singulière, un culte de latrie ! Elle me dit alors qu’elle était allée la veille au château de Conflans, pour y visiter cette maison pendant l’absence de l’Archevêque de Paris, et qu’elle y avait vu un superbe portrait du Duc de Créquy-Lesdiguières, dont elle ne pouvait parler qu’avec une sorte d’admiration frénétique. — Ah ! je comprends parfaitement, depuis que j’ai vu son portrait, qu’il ait fait tourner toutes les têtes, et qu’il ait été