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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/136

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SOUVENIRS

bien aise ! Ensuite elle le rappela de l’autre bout de la chambre, en criant : — Botard ! Botard !… Mais Botard était déjà trop loin pour l’entendre, et le Marquis de la Tour-du-Pin s’élança pour le ramener auprès de sa tante. — Dites donc qu’on les serve en menus-droits, et qu’on n’oublie pas d’y faire une sauce avec de la moutarde au vin doux… Voltaire, ayez la bonté de continuer. — Ayez donc la bonté de continuer. — Ah ! Madame… de la moutarde !… lui répondit ce philosophe outragé, qui roula son manuscrit et s’en alla sans vouloir achever sa lecture, et sans vouloir attendre sa voiture, malgré toutes les excuses et les coquetteries de Mme de St.-Jullien. Ce fut une brouillerie sérieuse, et Mme de Mauconseil, assistée de M. de la Tour-du-Pin, son gendre, eut bien de la peine à réconcilier Voltaire avec son papillon philosophe[1].

Voici la copie d’une lettre adressée par ce grand homme à Mme du Barry ; et, comme la mort de Louis XV arriva peu de temps après, je ne fus pas étonnée d’apprendre que Voltaire était désespéré de l’avoir écrite.


« Madame,

« Monsieur de la Borde, qui est assez heureux pour avoir l’honneur et le bonheur de vous faire souvent sa cour, m’a, j’oserai vous l’assurer, comblé de joie ! car

  1. Cette anecdote est rapportée dans les Mémoires de M. de Pougens, à qui Mme de Créquy l’avait racontée. Cet ouvrage, nouvellement publié, contient plusieurs détails intéressans sur la personne et la famille de Mme de Créquy.
    (Note de l’Édit.)