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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/181

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

« Un père… Il m’en faut un… Que n’ai je un père ! hélas !
Il plaindrait mes tourmens et m’ouvrirait ses bras.
Un père, au cri du sang, est-il inaccessible ?
Et vous, à mes transports vous vous montrez sensible.
N’êtes-vous pas pourtant au rang de ces mortels
Qui ne prêchent jamais que des devoirs cruels,
Qui m’ont tous annoncé, d’une voix formidable,
Dieu toujours irrité, l’homme toujours coupable,
La nature en souffrance et le ciel en courroux :
Le ciel, par un traité qui s’est fait malgré nous,
Entre notre faiblesse et sa toute-puissance,
Nous laissant le malheur et gardant la vengeance !
Ils m’ont dit que celui qui nous a formés tous
Du pouvoir d’opprimer se montre si jaloux,
Qu’après avoir soumis sa faible créature
Au tribut de douleur qu’exige la nature,
Aux besoins renaissans, aux ennuis, aux travaux,
Il lui commande encor d’ajouter à ses maux…
Ils m’ont dit qu’on ne peut apaiser sa colère
Qu’en s’imposant soi-même un fardeau volontaire,
Et qu’enfin, les objets devant lui préférés,
Ce sont… des yeux en pleurs et des cœurs déchirés.
Eh bien, s’il est ainsi, j’ai le droit de lui plaire,
Je veux éterniser mes tourmens !… »

Tout ceci n’était rien encore à côté de la magnifique imprécation contre les rois qui se trouvait dans cette belle tragédie de Manco-Capac, Inca du Pérou, qui disait si mélodieusement à l’usurpateur de ses états.

« D’un forfait croirais-tu Manco-Capac capable ?
Que la mort te replonge en cette égalité
Dont sortit un moment ton orgueil indompté,
Et qu’elle éteigne enfin dans une nuit profonde
Le nom de roi…, ce nom qui fait l’horreur du monde ! »

En apprenant que M. Diderot avait fait une sa-