Aller au contenu

Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
192
SOUVENIRS

les outrages et les coups affreux dont on l’accablait. On ne sait pas de quelle sorte d’émotion M. de Talleyrand se sentit troublé ; mais il s’évanouit dans les bras de son valet de chambre, en laissant tomber l’eau bénite avec le bénitier sur la tête de ce malheureux, qui fit entendre un gémissement lugubre et qui rendit l’âme.

Soit à raison des mauvais traitemens qu’il avait subis, soit par un saisissement de frayeur naturelle, ou par un effet occulte et sacramentel de l’aspersion ; toujours est-il que ce pauvre diable était tombé raide mort et que son corps avait roulé sur les marches du péristyle épiscopal, avec la mitre, le bénitier et la crosse de M. de Talleyrand qui se démantibula sur le pavé. Ce fut le dernier acte de son ministère ecclésiastique.

Presque tous les prêtres constitutionnels se marièrent l’année suivante. On a vu dans tous les journaux du temps que l’Abbé Goutte avait épousé la citoyenne Aspasie Samson, nièce du bourreau de Paris, et qu’il eut un procès avec la citoyenne Iphigénie Martin, à laquelle il avait fait une promesse de mariage. On y voit aussi que le ci-devant Évêque de Saône-et-Loire fut condamné à faire des réparations civiques et à payer une indemnité de cinq francs, en assignats, à la citoyenne Paméla Ducroc, parce qu’il avait osé la traiter d’Aristocrate et de Gourgandine. Heureusement que M. de Talleyrand eut la délicatesse de ne pas se marier : pour couronner ses œuvres, il ne lui manquait plus que d’épouser une gourgandine, mais il a eu trop d’es-