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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/210

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SOUVENIRS

mais sa maladie l’empêchait de filer… Excusez tous ces détails que je vous donne sur la famille de Geneviève, et ne vous en étonnez pas…

« Je dis à Baudesson, notre gentilhomme, que je me sentais fatigué, que je le priais d’aller me chercher mon carrosse et que j’irais le rejoindre à l’entrée du sentier qui conduisait au Fresnoy ; c’était le nom de ce petit hameau. Je n’avais à ma disposition qu’un louis d’or, et je dis à la mère de Geneviève, avec embarras et par je ne sais quel instinct de sentiment confus et d’affection délicate à l’égard de sa fille, que c’était ma mère, à moi, qui lui envoyait cette pièce d’or, et qu’elle ne la laisserait manquer de rien. Elle commença par nous combler de bénédictions et puis elle me demanda qui était ma mère ?… Je vous avouerai que je fus profondément troublé par cette question qui était pourtant si naturelle et si facile à prévoir ; il me sembla que ma réponse allait peut-être élever une muraille ou creuser un précipice entre cette pauvre famille et moi. Je lui dis en balbutiant et baissant les yeux, que le nom de famille de ma mère était Modène, et la malade reprit d’une voix languissante en regardant sa fille : — 'Il y a tant de bourgeois par ici que nous ne connaissons point ! — Nous demeurons tant loin du bourg ! ajouta la jeune fille avec une expression de reconnaissance et d’amitié dont mon cœur était dilaté.

« Geneviève Galliot ne manqua pas de revenir sur les rochers de la Thymerale avec sa chèvre, et je ne manquai pas de m’y trouver le lende-