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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/225

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

favori, son homme de confiance, et M. de Penthièvre ajoutait que son fils envoyait demander de ses nouvelles au moins dix fois par jour.

Je souffrais (par obligation de ne pouvoir répondre à la confiance de M. de Penthièvre) les mêmes tourmens qu’il éprouvait lorsqu’il aurait voulu correspondre ouvertement a la tendresse de son fils ; mais j’avais promis de garder le secret : je tremblais qu’il ne finît par m’échapper ; j’avais scrupule de le retenir avec un si bon père, et l’obsession que je ressentais devint tellement visible, qu’il me dit avec un air de surprise et d’effroi : — Comment ! vous paraissez contrainte avec votre meilleur ami ! Vous me cachez quelque chose !… — C’est vrai, lui dis-je en pleurant, ne m’en demandez pas davantage et dites à votre fils que j’irai le voir demain matin.

Ce qui me reste à vous faire connaître est aussi déplorablement calamiteux que difficile à raconter. J’essaierai pourtant de le faire avec une résignation pénible, sans fiel, autant qu’il me sera possible, et sans paroles d’animadversion contre le Duc d’Orléans. On l’a traité suivant ses œuvres. Quand il a rendu l’âme, il était ivre… il a paru devant son dernier juge ; il a satisfait à la justice divine : Hélas ! c’est plus qu’il n’en faudrait pour apaiser et pour assouvir sur lui toutes les haines et les passions vindicatives de l’enfer !

Après avoir encouragé son beau-frère à contracter un mariage illicite, cet homme avait calculé que le Duc de Penthièvre allait devenir vieux, et que son héritier, le Prince de Lamballe, était précisément du même âge que lui, Duc d’Orléans (ils étaient