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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/231

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

supposer qu’il avait été plus étourdi que méchant et plus imprudent que criminel. Il avait même eu la fourberie d’écrire à son beau-frère une longue lettre que celui-ci ne voulut pas ouvrir et qui lui fut renvoyée sans daigner y joindre un mot de reproche ou d’explication. J’entrai chez M. de Penthièvre où je trouvai la Douairière de Conty. On y parla de cette maladie de M. le Duc d’Orléans qui ne l’empêchait pas de donner dans son appartement de joyeux soupers de quinze à vingt personnes, avec lesquelles il passait le reste des nuits autour d’une table de creps. Cette Princesse ne pouvait cacher l’irritation qu’elle éprouvait de sa conduite. Il avait gagné, trois jours auparavant, seize mille louis contre son petit-fils, le Comte de la Marche. On avait eu soin de l’enivrer ; on avait fait venir des courtisanes… enfin, la grand’mère et le beau-père du Duc d’Orléans en étaient dans la consternation. Je les écoutais silencieusement, de peur d’en trop dire, et je m’en retournai chez moi, la mort dans l’ame, avec un pressentiment funeste et l’appréhension de quelque grand malheur.

Dans la matinée du surlendemain, M. de Penthièvre m’écrivit qu’il ne viendrait pas chez moi, parce qu’il ne voulait pas s’éloigner de son fils dont la maladie paraissait avoir changé de caractère. Il me disait que, pendant toute la journée de la vieille, il avait eu le transport au cerveau ; que pendant la nuit dernière, il était tombé dans un assoupissement léthargique : Bordeu s’en inquiétait, il avait déjà fait appeler en consultation Poissonnier, Lassuse et Bitaume ; il était question d’envoyer chercher