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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/50

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SOUVENIRS

jeune, fraîche et belle, son directeur c’est son ami ; quand on n’est plus ce qu’on était, son ami c’est son directeur ; c’est pour soi qu’on a le premier, on a le second pour les autres. Mais que préféreriez-vous ? Louise ! Pourquoi cela ? C’est qu’elle est bonne, et qu’elle a de quoi devenir meilleure.

« À propos, petite libertine, vous allez donc à Saint-Omer pour faire tourner toutes les têtes ?… Et la vôtre ? Ah ! il est aimable… Je ne crains rien et ne vous désapprouve pas.

« Écoutez-moi, chère enfant ; dites bien des choses de ma part à Madame de Boulainvilliers. Un des grands torts de votre bas monde, c’est d’oublier trop vite les morts : elle ne l’a pas, je lui en sais gré ; je l’aimais là-bas ; je l’aimerai ici.

« Vous avez aussi une voisine, Madame la Comtesse de Beauharnois, dont on raffole dans ce pays-ci ; elle n’y est pas encore, tant mieux ! nous aimons que les bons vous restent, parce que vous n’en avez ; guère.

« Nous avons aussi Dorat, célibataire qui la chante du matin au soir, et elle le mérite, je le sais, car elle a de l’esprit comme un ange et une âme comme dans ce monde-ci. Dites-lui, pour lui faire plaisir, que son ami est très heureux. Il y a ici deux acolytes qu’on lui a donnés pour raisons ;

c’est Anacréon et Fontenelle ; il marche de pair avec l’un, et rend déjà l’autre sensible ; c’est un miracle, mais il l’opère.

« Et ces prudes, comme j’en ris ! et ces femmes qui venaient souper chez moi pour qu’on dit d’elles. Elles vont là… Mais je ne ris pas de tout le monde au moins.

« Quoiqu’on ne fasse point d’enfaas ici ; on s’intéresse beaucoup aux mères qui s’amusent à faire des Amours ; vous eu connaissez une, n’est-ce pas ? Elle