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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/6

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SOUVENIRS

grand tableau que vous trouverez dans votre château d’Heymont, et que votre père a fait graver par Massard. Cet artiste moderne est bien loin d’avoir reproduit la physionomie franchement farouche et la curieuse naïveté de l’original ; mais à qui la faute ? Ce fut un acte de complaisance envers ma belle-fille, à qui le graveur avait dédié la plus belle des mères, et dans cette œuvre-ci, du même graveur, où vous représentez l’Enfant Jésus dans le giron de la Vierge, on me permettra de vous dire qu’il ne s’est rien trouvé de ressemblant, sinon votre portrait[1]. J’en reviens à cette bonne vieille peinture de Van Goyen, à qui se rattachent des traditions de patronage et des souvenirs de famille que je ne veux pas laisser perdre.

Par un beau soleil de septembre, en l’année 1559, on vit passer dans les rues de Vendôme un jeune prélat, monté sur une mule blanche harnachée d’écarlate et ferrée d’argent. Il était vêtu d’une grande chape rouge, dont la queue frangée de violet recouvrait amplement la croupe de sa monture. Il était coiffé d’un large chapeau rouge avec les deux cordelini tombans, flottans, raidement étalés et composés chacun de 21 fiocchi porporati. À ce nombre de 21 glands dans ses cordelières, on voyait aisément qu’il devait être Cardinal et Métropolitain, si ce n’est Patriarche. Aussi bien, tout le monde était

  1. Cette gravure indiquée par l’auteur, et bien connue des amateurs d’estampes, porte en effet les nom et titre de la Marquise de Créquy, née du Muy, en inscription dédicative, avec ses armes en cartouche.
    (Note de l’Éditeur.)