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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/62

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SOUVENIRS

grands du royaume, c’est dans les temps où la faveur et les circonstances leur assuraient le succès de toutes leurs prétentions : doivent-ils les faire revivre dans des temps où la sagesse et la justice de Votre Majesté font le bonheur de ses sujets et la gloire de son règne ?

« La grandeur des premières dignités dans tout état marque celle des nations, et la grandeur des nations fait celle de leurs rois. De là vient, SIRE, qu’aucun de nos voisins ne souffre que des étrangers, même souverains, aient chez eux la préséance sur les grands de l’État. Aucune Duchesse, en Angleterre, ne voulut céder le pas, en 1670, à la Duchesse de Modène, qui y menait sa fille (depuis Reine d’Angleterre) pour épouser le Duc d’York ; les grands d’Espagne n’ont jamais fait aux Ducs de Lorraine d’autre honneur que celui de les laisser asseoir à l’extrémité du même banc qu’eux ; MM. de Lorraine n’ont pu obtenir à la cour de Vienne même, où règne le chef de leur maison, d’autres honneurs que ceux qui sont communs à tous les princes de l’Empire.

« Les grands de votre royaume, SIRE, ne sont point inférieurs à ceux de tant d’états, qui regarderaient comme une offense pour eux et pour leur nation la prétention de les précéder chez eux. Ce serait douter de la prééminence de la France en Europe que de douter de la prééminence de ceux qui, aux termes de vos ancêtres, font partie de son honneur et du propre honneur de ses rois.

« La noblesse française ne le cède et ne doit céder, SIRE, à aucune noblesse du monde, à raison de son ancienneté, par l’éclat de ses actions, et par les grands hommes qu’elle a produits. Elle compte parmi ses ancêtres des Rois, des Empereurs et d’autres souverains ; elle y compte des maisons à qui leurs alliances ont ouvert des droits sur plusieurs trônes de l’Europe ; elle ne connaît en un mot au dessus d’elle que le sang de