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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/82

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SOUVENIRS

Celui-ci fut porter ses talens, ses lumières et ses autres dignités à la cour de Berlin, où jamais il n’a rien fait qui pût justifier le brevet d’académicien dont l’avait gratifié le roi de Prusse. Voltaire en disait des choses épouvantables, et notamment à l’occasion d’un procès qu’il avait eu dans sa jeunesse et dans le comtat Venaissin. Toujours est-il que ce roi philosophe avait fini par le prier de s’en retourner en Provence avec madame la marquise, laquelle avait été danseuse à la comédie de Francfort. C’était, disait-on, le couple le plus affamé, le plus intrigant, le plus philosophiquement cynique et le plus méprisable de la terre.

Le Roi de Prusse n’en a pas moins fait une belle épitaphe latine en l’honneur de M. d’Argens, qu’il y qualifie son chambellan. Il aurait bien dû lui faire, au lieu d’une épitaphe, une pension de quelques mille florins, et surtout la lui payer sans retenue ; car je vous dirai que le grand Frédérick était sujet à l’exercice de la retenue sur ses pensionnaires. Maupertuis ne lui pardonnait pas de l’avoir obligé de contribuer à la construction d’une caserne et la réparation de la citadelle de Spandau pour une somme de mille florins brandebourgeois. Voltaire disait aussi que sur sa pension de deux mille écus on lui avait retenu quatre mille francs pour établir un polygone à Neufchâtel.


Nous allons passer brusquement, et sans aucun artifice de transition grammaticale, à Messire