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Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/148

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SOUVENIRS

ne la trahissait, les commissaires en perdirent la trace, au bout de deux ou trois mois. Notre concierge avait bien voulu barbouiller son registre au numéro d’inscription de cette bonne Dame, et je n’ai jamais vu d’entêtement breton si bien conditionné, ni si bien récompensé. J’ai toujours estimé les entêtés et les Bretons.

Après la déclaration favorable à l’existence de l’Être Suprême, il m’a toujours semblé que la plus absurde et la plus extravagante opération des terroristes avait été la publication de leur calendrier républicain. Leur année commençà dans le mois de septembre auquel ils avaient donné le nom de Vendémiaire ; ensuite arrivait Brumaire (ainsi nommé disait l’almanach, à cause de ces brumes basses qui sont la transudation de la nature) et puis Frimaire, avec une engelure au nez ; vilain mois, qui précéda tristement les pénibles mois de Nivôse, Pluviôse et Ventôse. Ceux-ci furent suivis de l’innocent Germinal de l’agréable Floréal et de Prairial le rustique. Aimable trio, vêtu d’un blanc virginal et couronné de végétaux champêtres. Enfin, comme le temps marche toujours en dépit des folies humaines, les trois mois de la belle saison se présentèrent à nous sous les superbes noms de Messidor, de Thermidor et de Fructidor. Figurez-vous, si vous voulez, que Thermidor était resplendissant comme un Phœbus, et que Fructidor était coloré comme une orange.

Le mois de pluviôse était dédié à la mort des tyrans et à la pudeur. Celui de ventôse était consacré particulièrement à la frugalité courageuse