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Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/154

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SOUVENIRS

environ quinze jours après l’exécution de la Reine. Mme de Janson trouva moyen d’aller rejoindre sa famille en émigration ; Jobert se cacha dans notre maison de la Croix-Rouge, et ce pauvre Michonit fut supplicié sur la place de la Bastille. C’était un ancien vainqueur de la Bastille, à ce que disait notre geôlier.

Marie-Antoinette Jeanne de Lorraine d’Autriche, Reine mère et douairière de France et de Navarre, était née le 2 novembre 1755. Elle a péri sur l’échafaud le 16 octobre 1793. Sa robe de veuve était en lambeaux, et la femme du geôlier de la Conciergerie lui avait fait l’aumône d’une jupe et d’une camisole de cotonnade blanche. Elle a été conduite au lieu de son, exécution sur une charrette, ayant les mains attachées derrière le dos avec une corde tachée de sang. Elle avait à côté d’elle un prêtre assermenté qu’elle avait refusé d’entendre et qu’elle n’écoutait pas. Elle paraissait affaissée sous le poids de la souffrance, ses regards étaient fixes et les pommettes de ses joues étaient colorées d’une rougeur fiévreuse. Au moment où l’exécuteur (qui n’était pas le vieux Sanson) arracha violemment le mouchoir de toile qui lui recouvrait le col et la poitrine, elle en fit un mouvement d’indignation toute royale et qui parut intimider les bourreaux ; mais l’auguste victime baissa les yeux sans proférer une seule parole, et l’on a vu par le mouvement de ses lèvres qu’elle n’avait cessé de prier jusqu’à ce que sa tête ait été tranchée par le couteau.

Je ne sais comment j’ai pu trouver la force de vous rapporter ces affreux détails ? il nous ont été