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Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/164

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SOUVENIRS

publics avaient le privilége d’être servies les premières ainsi que les octogénaires et les femmes enceintes ; mais il en résultait des contestations perpétuelles et souvent pis. Au mépris de leur certificat du commissaire aux subsistances, les épouses de fonctionnaires ou les octogénaires étaient continuellement acccusés d’imposture, et les femmes enceintes étaient souvent convaincues de n’être grosses que d’un oreiller. Réné Dupont qui postulait d’office à la boucherie, n’avait pas manqué d’observer que c’étaient principalement les bossues qui se mettaient des coussins ; ce qui prouve que la vanité se niche partout. Votre père assurait aussi que dans les foules ou les embarras populaires ; aussitôt qu’on entend crier avec une voix aiguë : — Prenez garde d’écraser une mère de famille ! on n’a qu’à se retourner, et l’on voit toujours que c’est une bossue qui n’est pas restée célibataire et qui s’en pavane. Il est à savoir aussi que ces mal-bâties cherchent toujours à persuader que leur épouseur est le plus passionné des humains !…

Ce qui fait que je déteste assez généralement les bossues, c’est qu’elles ont presque toujours des intentions d’élégance ou des imaginations de galanterie ; et ceci, du reste, n’a guère de rapport avec les décrets du salaire civique et de l’emprunt forcé.

La Convention nationale avait donc établi cet emprunt forcé d’un milliard de livres tournois, et c’était le cas de nous dire : excusez du peu ! mais c’était un impôt qui devait peser uniquement sur les riches, et voici les principales dispositions de ce beau décret.