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Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/177

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

mesure du mal est tout-à-fait comblée ; prenons courage !

Le Duc de Nivernais, qui était prisonnier aux Carmes, avait eu connaissance d’un fameux déportement du citoyen Fouché, pendant qu’il était en mission dans le Nivernais, qu’on appelle aujourd’hui le département de la Nièvre : il avait imaginé de célébrer une fête en l’honneur de la Nature et de l’Hyménée républicain, et pour ce faire il avait mit en réquisition quatre cents jeunes garçons, avec autant de pauvres filles qui ne s’étaient jamais ni vus ni connus et qu’il avait fait parquer dans un grand herbage au bord de ta Loire. Il arriva sur la prairie vers une heure après midi, par la fraîcheur de M. de Vendôme, avec son cortège de sans-culotte en savattes, assistés des musiciens du petit théâtre de Nevers ; il était déguisé en pontife de la Nature, avec une couronne de fruits rouges, et voici le programme de cette auguste solennité.

— Jeunes citoyens, se mit-il à crier, commencez par vous choisir une compagne entre ces vierges pudiques… Et voilà tout aussitôt quinze ou vingt gars qui se précipitent avec résolution sur une jolie fille de Donzy, dont le père était un riche meunier, ce qui n’y gâtait rien.

La jeune citoyenne avait les yeux baignés de larmes et ne voulait rien écouter, parce qu’elle aimait tendrement son cousin, qui était le fils du maréchal-ferrant de Saint-Andoche, et qui n’était pas là.

Comme on n’avait pas fait cette battue matrimoniale avec assez de précaution il se trouvait parmi