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Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/214

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SOUVENIRS

d’ouvrir la bouche, et finalement on le met en état d’accusation et d’arrestation. Il se trouva chassé de cette assemblée comme le bouc Hazael, après avoir été chargé de toutes les iniquités de la tribu judaïque, et quand on eut décidément arrêté que c’était lui qui avait commis tous les crimes de la révolution, voilà tous ces égorgeurs et ces autres buveurs de sang royal et de sang chrétien qui se mettent à s’en laver les mains avec un air d’innocence et de purification parfaite. Je ne m’attendais pas à la sensibilité de Barrère, et l’humanité de Carnot me confondit.

On s’empressa de conduire Roberspierre à l’Hôtel-de-Ville, et chemin faisant (sur le quai de Gèvres), un sectionnaire approcha de son fiacre et lui tira dans la mâchoire un coup de pistolet à bout portant. On ne manqua pas d’imprimer et d’affirmer qu’il avait entrepris de se suicider, mais je m’en rapporte à ce bulletin qu’on nous envoyait de la commune, et qui méritait plus de créance que les journaux conventionnels et subventionnés.

Cependant le parti de la commune et le club des Jacobins se mettent en grande agitation pour délivrer l’incorruptible Maximilien, le vertueux Roberspierre, qui fit décréter les principes consolateurs de l’existence d’un être suprême et de l’immortalité de l’âme, voilà ce que publiait le citoyen Lescot, maire de Paris, dans sa proclamation. Les Jacobins disposent une insurrection générale ; la commune fait sonner le tocsin contre la Convention ; le commandant général Henriot, vient assiéger les Tuileries et fait pointer des canons contre les représentans du peuple ; mais toutes ces dispositions-là ne purent avoir