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Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/221

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

— C’est à vous à savoir mes noms, lui répondis-je tristement, et je n’ai jamais pris des qualités pareilles à celles que vous me donnez.

— Mais, la mère, je ne vous ai pas dit des sottises, me répond cet homme, et c’était pour la chose de rire avec vous sans vous insulter du tout ; je ne vous ai rien dit qui soit pour vous chagriner, pour le respect de l’âge et de votre sexe…

— Allez donc vite et finissons-en !… reprenait Dasny d’une voix d’autant plus troublée qu’on entendait sonner à la grande porte.

Hélas, mon Dieu, c’était précisément notre geôlier qui se fit montrer les cédules de Fouquier-Tinville, et qui se mit à dire : — Allons donc ! ce n’est pas la veuve Créquy-Froulay dont il s’agit ; c’est la femme Créquy du Muy ; Marie-Thérèse du Muy, femme Créquy, qu’on a dénoncée comme étant rentrée d’emigration.

— Vous pouvez retourner là-haut, citoyenne… et je regardai cette pauvre Mme de Narbonne avec une sorte de honte, avec un sentiment si pénible et si douloureux, avec un cœur tellement brisé, que j’en suis restée dans un état d’angoisse et d’abattement qui m’a duré plus de six mois.

Si j’avais pourtant négligé cette petite conférence avec l’Abbé Texier, ou si le ciel avait permis que le geôlier des Oiseaux fut arrivé dix minutes plus tard, je m’en allais au tribunal révolutionnaire où l’on m’aurait dit que je n’avais pas la parole, et je montais à la Guillotine sous le nom de votre pauvre mère, avec Mme de Narbonne et ses trois compa-