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Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/224

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SOUVENIRS

plus exister entre nous et qui, du moins, m’avait préservée de l’ennui ; et puis, cette liberté qu’on venait de me rendre, il me semblait que je ne saurais qu’en faire. Au milieu de Paris en 94, on risquait d’être égorgé dans sa maison ; j’avais regret à nos portes massives, à nos surveillans, nos porte-clés, nos dogues ; il n’était pas jusqu’au banc du jardin des Oiseaux que je ne regrettasse, et c’était, par-dessus tout, les petits enfans du geôlier que je regrettais. Quand il me revenait des lueurs de raison, — apparemment, disais-je, a par moi, que je vais revenir en enfance ; on y retomberait à moins, et j’en prenais mon parti.

Mon fils avait trouvé bon de vous emmener sur la frontière de Suisse pour y voir votre mère. J’avais perdu M. de Penthièvre, et sa fille était exilée. On avait supplicié mon neveu du Châtelet, sa femme et la Duchesse de Gramont, la Princesse de Monaco, ma nièce de Lauzun, son mari, le Maréchal et la Maréchale de Mouchy, le Marquis de Neuillant, le Comte de Vergy, l’Abbé de Goyon ; Mesdames de Renty, de Lesdiguières, de Cannples, et jusqu’à cette pauvre Maréchale de Noailles ! Enfin, sans vous parler de nos parens et amis qui étaient morts ou qui se trouvaient encore en émigration, j’avais perdu de compte fait, dix ou douze personnes de ma société la plus intime et tout au moins de ma connaissance la plus familière. Il n’y avait pas jusqu’au Chevalier de Florian qui ne fût