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Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/88

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SOUVENIRS

dans la chambre où nous étions enfermées : cette séparation me mit au désespoir et hors de moi. Puis, mettant ma confiance dans la bonté du ciel qui protège l’innocence, un secret pressentiment qu’il veillerait sur elle et ne l’éloignait de moi que pour me la conserver, me consola de perdre la douceur de ses soins, et je ne souffris beaucoup que dans cet instant où après qu’elle fut sortie de la chambre j’entendis refermer les verroux de notre porte et me vis privée de la pouvoir suivre à l’oreille ou des yeux, et de l’espérance de découvrir, par ce que je verrais ou entendrais, si on l’emmenait hors de la prison.

« Vous jugez bien que je ne dormis du reste de la nuit ; mes inquiétudes étouffaient bien souvent ma confiance, et j’attendais avec bien de l’impatience qu’on entrât dans notre chambre pour nous apporter à déjeûner. Lorsqu’on y vint, nous apprîmes que la plus horrible fermentation existait dans Paris depuis la veille au soir ; que les prisons étaient menacées et que plusieurs étaient déjà forcées. C’est alors que je ne doutai plus que ce ne fût pour sauver Pauline qu’on me l’eût enlevée ; et il ne me restait que le regret de ne pas savoir dans quel lieu elle avait été menée. Je voyais clairement le sort qui était réservé à Mme de Lamballe et à moi, et je ne vous dirai pas que je le voyais sans frayeur, mais au moins je supportais cette idée avec résignation ; il me sembla que s’il y avait des moyens de me sauver des dangers que je prévoyais, je ne les trouverais que par une grand présence d’esprit et je ne pensais