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Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/107

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vertu. Enfin je ne suis presque plus sensible à rien, si ce n’est au sentiment du malheur des autres ou de leur affection pour moi car sous ce rapport-là, je ne me décrépiterai point, grâce à Dieu ! Je n’ai point abusé de ma faculté d’aimer ; le ciel est juste ! mon bon cœur ne faillira pas, et je mourrai toute en vie, de ce côté-là.

Je ne suis presque pas choquée de tout ce qu’on répète sur la femme du général Lefèvre, et je vous assure qu’à l’exception de ce que les jeunes gens nous rapportent d’un officier corse appelé Sébastiani, je n’entends plus rien citer qui soit véritablement divertissant. Il a disent-ils, la prétention d’être le parent des Buonaparté qui le renient, et quand on en parle à la mère Buonaparté comme de leur cousin, sa gorge en enfle de colère. — Il est fils d’un paysan qui fabriquait et vendait des cuvaux, des souricières et des balais, dit-elle, alla Porta-d’Ampugnano !!! et vous conviendrez qu’il faut être bien abandonné de son bon ange et du bon Dieu pour en être réduit à se raccrocher à la famille Buonaparté. Il est toujours, à l’égard de son prétendu cousin le piti monstro, dans un état d’adoration perpétuelle : c’est le thuriféraire du consulat ; mais il parait qu’il existe encore assez de gens d’esprit pour se moquer de lui ?

On m’a rapporté qu’en entrant dans le salon d’une aimable et charmante personne appelée Mme Récamier, ledit officier s’était mis a crier avec un ton fanatique : – Le premier conseul a des mains seuperbes ! ‑ Ah ! Commandant, lui dit la maîtresse de la maison, ne parlons pas politique ! Vous savez quelles sont nos conventions ?…