Page:Crevel - Êtes-vous fous?, 1929.djvu/108

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nationale. Avec sa robe noire qui, selon la coutume, lui servira pour son deuil, quand il aura plu à Dieu de lui reprendre son époux, avec le tulle blanc qui la voile, le bouquet d’alpen-roses à la main et le goitre doucement ballotté dans l’échancrure du corsage, la douce fiancée a fort bon air. Grise d’amour et de vin sans alcool, elle n’en demeure pas moins fidèle aux traditions et monte, à la fin du jour, avec les siens, sur un sommet pour allumer des feux. Mais le jeune mari, tout à son bonheur, pousse un troulaïlaïlaîtou si retentissant que lui en pète la veine du cou.

Rentrée au chalet familial, la vierge veuve décide qu’elle ne vivra plus désormais que de sacrifices, se refuse aux objectifs des reporters, interdit aux Homères locaux de composer de patoisantes odyssées à la gloire de ses charmes et jure de se dévouer, en toute occasion, aux éprouvés. La Providence, qui l’écoute, lui mettra bientôt du pain sur la planche, car à la fin de l’hiver suivant, au retour du prêche, un dimanche, elle et les siens trouvent leur demeure emportée par une avalanche. La chaletée,