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ÊTES-VOUS FOUS ?

cheveux. Ta peau, pierreuse, se fleurit des dartres du plâtre. Tu as mal sous le macadam de ton cher crâne. Tes membres se tordent. Attention. J’ai connu, autrefois, dans un village, une femme, sans doute déjà trop vieille pour ce qu’on nomme démence précoce, mais qui ne s’en croyait pas moins tire-bouchon, tant et si bien qu’elle finit par le devenir. Lorsqu’elle fut morte, on eut beau tirer sur la tête, les mains, les pieds, impossible de la redresser. Quant à la mettre en bière ainsi tortillée, autant espérer faire d’un escalier en colimaçon les marches de la Madeleine. Au lieu d’un cercueil, elle eut donc un tonneau, qu’on laissa tout bonnement rouler, le jour des funérailles, du haut de la colline qu’elle habitait, jusqu’au cimetière, dans la plaine.

Toi, tu te métamorphoses en cor de chasse.

L’automne était, depuis longtemps, fameux par ses violons. Tu lui donnes un cuivre, des cuivres, toute une fanfare de sanglots.

Tu rêves, tu pleures.

Et que t’importe la monotonie des paroles, si la musique est variée. Or tu n’as rien négligé