Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/35

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Une jeune fille enceinte et délaissée qui habitait l’immeuble contigu, se précipite et tombe perpendiculairement de telle sorte que l’extrémité des fémurs crève la capsule de chair. Si elle n’avait succombé à l’émotion, cette jeune personne désormais cul-de-jatte eût été à même d’utiliser ses jambes en béquilles.

À Saint-Ouen, une demoiselle quinquagénaire, inconsolable de la mort d’un fiancé accidentellement décédé, malgré ses convictions religieuses bien connues, décroche le fusil de son père, sous- officier en retraite, et à l’heure même où elle avait accoutumé d’aller au salut, l’arme appuyée contre terre, le canon dans sa bouche, fait partir le coup à l’aide d’un parapluie.

Secourue, la désespérée en proie aux remords et grièvement atteinte a pu néanmoins recevoir l’extrême-onction avec de succomber. »

Mon père gémit.

« Daniel ?

— Père.

— Daniel, ta pauvre maman a encore eu de la chance de mourir sur le coup.

— Oui, père.

— Mais toi, si tu voulais te tuer ? »

Ce que j’allais dire en manière de réponse était grave, très grave, mais un démon déjà me forçait. « Mon père, je choisirais un moyen discret pour ne pas faire tort à ceux qui portent mon nom. Une tisane sur le fourneau à gaz ; la fenêtre bien close, j’ouvre le robinet d’arrivée ; j’oublie de mettre l’allumette. Réputation sauve et le temps de dire son confiteor. »