Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/62

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me surprit d’une simple remarque : « Ne posez pas trop au romantique négateur. Je vous conseille d’espérer encore. Regardez, vous affirmez ne voir dans les femmes que du galimatias, mais il suffit que l’une d’elles vous accorde l’insignifiante faveur de l’appeler par son petit nom, pour que le galimatias devienne le mystère d’une rivière.

— Dites que je suis un littérateur.

— Un sentimental en tout cas.

— Et vous une coquette. Mais je n’ai point assez de fatuité pour vous répondre. Parlons chiffons.

— Pourquoi pas ? Ce serait sans doute la sagesse, car toute cette gravité ne me réussit guère. Je n’ai même pas encore songé à vous offrir un gâteau. »

Elle sonna ; la femme de chambre vint avec un plateau lourd de mille futilités vernies ; il y eut entre nous une table basse et pour Cyrilla, ces capots de minuscules Rolls Royce furent prétextes à d’ingénieux enfantillages et jusqu’au retour de Cyrille toute gravité disparut ; or dès qu’il eut poussé la porte, reçu par le sourire de sa jeune femme heureuse de présenter « mon mari », j’eus moins d’insouciance.

On a tant parlé des Russes depuis 1900 qu’en face d’un Boldiroff, nul Français ne peut demeurer sans espoir ou sans appréhension. Lui, comme si, roi, il voulait bien me faire un grand honneur en m’avouant la ressemblance qu’il venait de me découvrir avec un de ses oncles ancien régent par exemple, me confia : « Vous avez l’air slave ». À dire le vrai, je suis effectivement doué de pommettes saillantes, d’yeux pâles, d’une mâchoire brutale, d’un front large, de cheveux difficiles à peigner. Toutefois connaissant le mépris