Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/65

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façade d’un joli temple, mais d’un temple où il n’y avait pas de divinité compatissante.

Nous restâmes quelques minutes sans parler ; en regardant le mari je pus comprendre que j’avais l’intention d’en penser du mal ; alors je m’aperçus que la femme ne m’était pas indifférente ; mais par une sorte d’honnêteté — dont j’aurais d’ailleurs bien voulu rire — , par crainte aussi d’accorder trop à qui n’en valait peut-être pas la peine, je désirai que Cyrilla devînt tout à coup laide à mes yeux ; or Cyrilla, persuadée que Cyrille était intentionnellement beau, prenait à l’admirer un éclat de bonheur. La joie fardait ses yeux, son visage ; l’amour avait définitivement transfiguré celle qui m’avait autrefois semblé l’insignifiance même ; à deviner le don de soi qu’elle avait consenti, un homme devait haïr qui l’avait reçu.

Toutefois je ne voulais pas dès le premier soir m’accuser de « jalousie ». Je regardai Cyrilla ; de jolis fantômes se mirent à danser qui me cachaient l’autre, l’heureux.

Mais lui, lui qui cassait tout, brisa notre silence.

Alors je me levai ; il voulut me retenir. « Déjà ? Mais nous n’avons pas encore fait connaissance. Si vous partez, c’est à une seule condition. Vous reviendrez dîner avec nous, samedi. D’ailleurs vous ne vous ennuierez point ; aujourd’hui même j’ai rencontré votre amie Léila et l’ai invitée. »

Cyrilla sourit : « Je compte sur vous, nous serons deux couples d’amoureux. »

Le vendredi, je reçus ce mot :

« À demain, n’est-ce pas ? L’autre jour nous n’avons même pas eu le temps de regarder les papiers de votre maître ;