Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/67

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Lorsque j’arrivai chez elle le samedi à six heures, elle me taquina.

« Vous êtes si content de voir une jeune femme que vous voulez bien venir deux heures avant le dîner.

— Je l’avoue.

— Heureuse Léila.

— Je ne comprends pas.

— Menteur. Pour vous éviter une émotion, laissez-moi vous annoncer que votre ancienne amie n’a plus ses cheveux noirs mais fleurit de jade verte une tignasse rousse. Maintenant, en récompense de ce que j’ai fait pour vous, dites pourquoi vous êtes resté si longtemps sans lui écrire ni chercher à la revoir. »

J’assurai que la belle hindoue n’avait jamais été ma maîtresse. Je racontai la scène du bar et comment la danseuse Myriam était venue souper à notre table.

« Mais elle est stupide, cette Léila, et dévergondée, comme les romans qui tirent à trois cent mille.

— À peu près.

— Et il lui suffit d’aimer un Norvégien pâle pour devenir blonde. »

J’objectai que Cyrilla avait peut-être tort de se moquer puisqu’elle-même, pour ressembler davantage à Boldiroff, avait changé son prénom, sa manière de s’habiller.

Elle sourit : « Mon Dieu, oui, mais j’avais oublié déjà que l’an dernier je m’appelais Scolastique Dupont-Quentin. »

J’avais barre sur elle. Une simple question :

« Pourquoi vous avait-on baptisée Scolastique ? » la contraignit aux confidences et voici son histoire telle que j’en reçus le récit.