Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/96

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Je m’arrêtai. Léila se mit à rire à petites gorgées.

« Imbécile. Je n’ai jamais eu de flirt suédois : tout ce que j’en ai dit était mensonge, mensonge d’amour. Nul ne savait ma liaison avec Cyrille. Je la cachais par des jeux.

— Allons, pourquoi votre tignasse est-elle si rousse ?

— Parce que j’aime narguer.

— Je ne comprends pas.

Poor dear fellow. Je vais vous expliquer. Lorsque Cyrille redevint mon amant, comme je lui avais reproché son opportunisme bien bourgeois, et que tout lui semblait par trop simplifié depuis que, chaque soir, il faisait l’amour avec sa femme légitime, il voulut me vexer, n’y parvint pas et après bien des essais trouva. “Il y a au moins une chose qui vous est impossible, brune comme vous l’êtes, vous n’oseriez jamais vous teindre en blond.”

« J’avais rendez-vous le lendemain avec lui et Cyrilla pour dîner à Montmartre. J’arrivai, les cheveux de la couleur que vous voyez. Boldiroff me trouva très belle encore. »

J’interrogeai : « La suite de l’histoire ?

— La suite vous la saurez bientôt. Demain matin nous gagnons Le Havre ; dans vingt-quatre heures nous voguerons vers l’Amérique et Cyrilla viendra vous demander conseil. Bonsoir.

— Bonsoir, Léila. »

Je ne croyais pas un seul mot de tout ce qu’elle m’avait raconté. Je pensais : « Décidément, elle est folle à lier. » La nuit je rêvai que les cils de Cyrilla battaient tout doucement contre ma joue.