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Page:Curwood - Kazan, trad. Gruyer et Postif.djvu/60

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Elle se redressa, mince et svelte, de toute sa taille, dans la lumière du foyer, et s’étira les membres après avoir passé le bébé à Pierre Radisson. Mais elle dut bientôt le reprendre, car une toux profonde, qu’il essayait en vain d’étouffer, se prit à secouer le vieux. L’incarnat qui apparut alors sur les lèvres de son père, Jeanne ne le vit pas. Elle avait ignoré que, depuis les six jours où ils marchaient dans le Désert Blanc, Pierre avait secrètement senti son mal s’aggraver. Pour cela surtout il avait, chaque journée, pressé la marche.

— À cette pauvre bête, dit-il, lorsque la quinte se fut apaisée, j’ai pensé moi aussi. Blessée comme elle paraissait l’être, elle n’a pas dû aller bien loin. Veille sur le bébé et chauffe-toi au feu, en attendant mon retour. Je vais tenter de la trouver. Il revint sur ses pas, dans la plaine découverte, jusqu’au lieu du combat. Sur la neige gisaient les quatre chiens, dont pas un n’avait survécu. La neige était rouge de leur sang et ils étaient déjà raidis. Pierre eut un frisson en les regardant. S’ils n’avaient pas reçu le premier choc de la horde, que serait-il advenu de lui, de Jeanne et de l’enfant ? Il détourna la tête et reprit sa recherche, dans un nouvel accès de la toux qui injectait ses lèvres de sang.

Après avoir soigneusement observé la neige, il reconnut la piste de leur mystérieux sauveur. Plutôt qu’une piste, c’était un long sillon, que Pierre se mit à suivre, ne doutant pas qu’il ne trouverait à son extrémité la bête morte.

Il revint ainsi à l’orée du bois, où il rencontra Kazan étendu sur le sol, l’œil et les oreilles aux aguets, tellement faible, quoiqu’il ne souffrît pas beaucoup, qu’il ne pouvait se tenir sur ses pattes. Il était comme paralysé. Louve Grise était couchée à son côté. Tous deux, échoués dans cet abri, ne cessaient