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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/118

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des sujets graves ; il y a un monde entre leurs pensées et leurs discours : les paroles qu’elles vous disent vous trompent, car leur esprit est ailleurs ; elles s’occupent toujours d’autre chose que de ce dont elles parlent ; il résulte de cette division un manque d’accord, une absence de naturel, en un mot, une duplicité fatigante dans les rapports ordinaires de la vie sociale. La politique est de sa nature une chose peu divertissante ; on en supporte les ennuis par le sentiment du devoir, et il en sort quelquefois des traits de lumière qui animent la conversation des hommes d’État ; mais la politique frauduleuse, la politique d’amateur est le fléau de la conversation. L’esprit qui se livre par choix à cette occupation mercenaire s’avilit, s’annule, et perd son éclat sans compensation comme sans excuse.

On m’assure que le sentiment moral n’est presque pas développé parmi les paysans russes ; à peine se doutent-ils des devoirs et des pures joies de la famille ; et mon expérience journalière confirme les récits que j’entends faire aux personnes le mieux instruites.

Un grand seigneur m’a conté qu’un homme à lui, habile en je ne sais quel métier, était venu en permission exercer son talent à Pétersbourg : au bout de deux ans révolus, on lui donne congé pour quelques semaines, qu’il désire aller passer dans son village, près de sa femme. Il revient à Pétersbourg au jour prescrit.