Aller au contenu

Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LETTRE VINGT-QUATRIÈME.


Moscou, ce 7 août 1839.

Ne vous est-il jamais arrivé, aux approches de quelque port de la Manche ou du golfe de Biscaye, d’apercevoir les mâts d’une flotte derrière des dunes peu élevées qui vous cachaient la ville, les jetées, la plage, la mer elle-même avec la coque des navires qu’elle portait ? Vous ne pouviez découvrir au-dessus du rempart naturel qu’une forêt dépouillée, portant des voiles éclatantes de blancheur, des vergues, des pavillons bariolés, des banderoles flottantes, des oriflammes de couleurs vives et variées : et vous restiez surpris devant cette apparition d’une escadre en pleine terre : eh bien ! tel est exactement l’effet qu’a produit sur moi la première vue de Moscou : une multitude de clochers brillait seule au-dessus de la poudre de la route, et le corps de la ville disparaissait sous ce nuage tourbillonnant, tandis qu’au-dessus des derniers lointains du paysage la ligne de l’horizon s’effaçait derrière les vapeurs du ciel d’été toujours peu voilé dans ces parages.

La plaine inégale, à peine habitée, à demi cultivée, infertile à l’œil, ressemble à des dunes où croîtraient