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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/163

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avait un cœur, je dirais que le Kremlin est le cœur de ce monstre : il en est la tête…

Je voudrais pouvoir vous donner l’idée de cette masse de pierres qui se dessinait en gradins dans le ciel : singulière contradiction !  !… cet asile du despotisme s’éleva au nom de la liberté, car le Kremlin fut un rempart opposé aux Calmouks par les Russes : ses murailles à deux fins ont favorisé l’indépendance de l’État et servi la tyrannie du souverain. Elles suivent avec hardiesse les profondes sinuosités du terrain ; lorsque les pentes du coteau deviennent trop rapides le rempart s’abaisse par escaliers ; ces degrés qui montent entre le ciel et la terre sont énormes, c’est l’échelle des géants qui vont faire la guerre aux dieux.

La ligne de cette première ceinture de constructions est coupée par des tours fantastiques si élevées, si fortes et d’une forme si bizarre qu’elles représentent des rocs de diverses figures et des glaciers de mille couleurs : l’obscurité, sans doute, contribuait à grandir les objets, à leur donner un dessin et des teintes hors de nature ; je dis des teintes parce que la nuit a son coloris comme la gravure….. J’ignore d’où venait le prestige dont je ressentais l’influence : mais ce que je sais c’est que je ne pouvais me défendre d’une secrète épouvante… et voir des messieurs et des dames vêtus à la parisienne, se promener au pied de