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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/190

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l’histoire de la terrible vie de cet homme, c’est qu’il perd l’audace en perdant la vertu.

Serait-il vrai que Dieu, lorsqu’il fit le cœur de l’homme, lui dit : Tu ne seras brave qu’autant que tu seras humain ?

S’il en était ainsi, et si de trop nombreux et de trop célèbres exemples ne démentaient cette règle désirable, la foi nous deviendrait trop facile : nous verrions Dieu face à face dans les destinées de toutes ses créatures, comme nous le voyons à découvert dans la vie d’un Ivan IV. Ce prince, dont l’histoire ainsi que le caractère contrastent d’une manière frappante avec les autres caractères, se montre courageux comme un lion tant qu’il est généreux, il devient poltron comme un esclave dès qu’il est sans pitié. Cette leçon, bien qu’elle fasse exception dans les annales du genre humain, me paraît précieuse et consolante, et je me félicite de la recueillir au fond de cette épouvantable histoire.

Grâce à la persévérance du jeune héros, blâmée alors par tout son conseil, Astrakan subit le sort de Kazan. La Russie, délivrée du voisinage de ses anciens maîtres, les Tatars, jette des cris d’allégresse ; mais ce peuple de subalternes, qui ne sait échapper à un joug que pour passer sous un autre, idolâtre son jeune souverain avec l’orgueil et la timidité de l’affranchi. À cet âge la beauté d’Ivan ré-