Aller au contenu

Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partout où j’admire, où je reconnais Dieu dans ses œuvres ; or, de toutes les œuvres de Dieu, celle que je comprends le plus facilement, c’est l’aspect de la nature et ses affinités avec les créations de l’art. Dieu est là qui se révèle à mon cœur par les indéfinissables rapports établis entre son Verbe éternel et la pensée fugitive de l’homme : j’y trouve le sujet d’une méditation féconde. Cette contemplation toujours la même et toujours nouvelle est l’aliment de ma pensée, le secret, la justification de ma vie ; elle emploie mes forces morales et intellectuelles, elle occupe mon temps, elle absorbe mon esprit. Oui, dans l’isolement mélancolique mais délicieux auquel me condamne cette vocation de pèlerin, ma curiosité me tient lieu d’ambition, de puissance, de crédit, de carrière… ; ces rêveries, je le sais, ne sont pas de mon âge ; M. de Chateaubriand était trop grand poëte pour nous peindre un Réné vieillissant. Les langueurs de la jeunesse excitent la sympathie, son avenir lui tient lieu de force ; mais la résignation de Réné grisonnant ne prête guère à l’éloquence ; pourtant mon destin, à moi pauvre glaneur dans le champ de la poésie, était de vous montrer comment vieillit un homme né pour mourir jeune ; sujet plus triste qu’intéressant, tâche ingrate entre toutes les tâches ! Mais je vous dis tout sans crainte, sans scrupule, parce que je n’affecte rien.