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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/232

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de Russie fût un ange ou au moins un homme de génie pour conserver sa raison après vingt ans de règne ; mais ce qui accroît mon étonnement et mon épouvante, c’est de voir que la démence de l’homme qui exerce la tyrannie se communique si facilement aux hommes qui la subissent ; les victimes deviennent les zélés complices de leurs bourreaux. Voilà ce qu’on apprend en Russie.

Une histoire détaillée et tout à fait véridique de ce pays serait peut-être le livre le plus instructif qu’on pût offrir à la méditation des hommes ; mais il est impossible à faire. Karamsin, qui l’a tenté, a flatté ses modèles, et encore s’est-il arrêté avant l’avénement des Romanow ; il est mort au moment où il lui devenait impossible de continuer son œuvre. Toutefois, l’esquisse affaiblie et abrégée que je viens de vous tracer, suffit pour vous représenter les faits et les hommes vers lesquels la pensée se reporte malgré soi à la vue des terribles murs du Kremlin.