Aller au contenu

Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses victimes jetèrent sur la terre, demandait à leurs contemporains, ainsi qu’à la postérité, justice et un souvenir de compassion.

« Malgré toutes les explications possibles, morales et métaphysiques, le caractère d’Ivan, héros de vertu dans sa jeunesse, tyran sanguinaire dans l’âge mûr et au déclin de sa vie, est une énigme pour le cœur humain, et nous aurions révoqué en doute les rapports les plus authentiques sur sa vie, si les annales des autres peuples n’offraient des exemples aussi étonnants. »

Karamsin continue son plaidoyer par un parallèle beaucoup trop flatteur pour Ivan IV, qu’il compare à Caligula, à Néron et à Louis XI, puis l’historien poursuit : « Ces êtres dénaturés, contraires à toutes les lois de la raison, paraissent dans l’espace des siècles comme d’effrayants météores, pour nous montrer l’abîme de dépravation où peut tomber l’homme et nous faire trembler !…La vie d’un tyran est une calamité pour le genre humain, mais son histoire offre toujours d’utiles leçons aux souverains et aux nations. Inspirer l’horreur du mal, n’est-ce pas répandre l’amour du bien dans tous les cœurs ? Gloire à l’époque où l’historien, armé du flambeau de la vérité, peut, sous un gouvernement autocrate, vouer les despotes à un éternel opprobre, afin de préserver l’avenir du malheur d’en rencontrer d’autres ! Si l’insensibilité règne au delà du tombeau, les vivants au moins redoutent la malédiction universelle et la réprobation de l’histoire. Celle-ci est insuffisante pour corriger les méchants, mais elle prévient quelquefois ces crimes toujours possibles, parce que les passions exercent aussi leurs fureurs dans les siècles de civilisation. Trop souvent leur violence force la raison à se taire, ou à justifier d’une voix servile les excès qui en sont le résultat. » Pages 558, 559, tome IX, Karamsin, Histoire de Russie.

Suit un éloge de la gloire du monstre. Toutes ces tergiversations morales, toutes ces précautions oratoires, se changent