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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/259

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Mon domestique de place est Italien, rien de plus bouffon que le mélange de préjugés divers qui s’est opéré dans la tête de ce pauvre étranger, établi depuis un grand nombre d’années à Moscou, sa patrie adoptive ; ses idées d’enfance, apportées de Rome, le disposent à croire à l’intervention des saints et de la Vierge, et sans se perdre dans des subtilités théologiques, il prend pour bons, à défaut de mieux, les miracles des reliques et des images de l’Église grecque. Ce pauvre catholique, devenu un adorateur zélé de la Vierge de Vivielski, me prouvait la toute-puissance de l’unanimité dans les croyances : cette unanimité, ne fût-elle qu’apparente, est d’un effet irrésistible. Il ne cessait de me répéter, avec sa loquacité italienne : « Signor, creda a me : questa madonna fa dei miracoli, ma dei miracoli veri, veri, verissimi ; non è come da noi altri ; in questo paese tutti gli miracoli sono veri. »

Cet Italien, apportant la vivacité naïve et la bonhomie des gens de son pays dans l’Empire du silence et de la réserve, m’amusait parfaitement, en même temps qu’il m’épouvantait ; quelle terreur politique révèle cette foi à une religion étrangère !

Un bavard en Russie, c’est un phénomène ; cette rareté est précieuse à rencontrer : elle manque à chaque instant au voyageur opprimé par le tact et la prudence de tous les naturels du pays. Pour engager cet