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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/284

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misérable, il oublie que chaque pierre de la forteresse nationale est un objet de vénération pour les vrais Moscovites, ou du moins, qu’elle devrait l’être. Était-ce à lui, souverain superstitieusement obéi de son peuple, d’ébranler par un sacrilége le respect des Moscovites pour le seul monument vraiment national qu’ils possèdent ? Le Kremlin est l’ouvre du génie russe ; mais cette merveille irrégulière, pittoresque, l’orgueil de tant de siècles, va subir enfin le joug de l’art moderne ; c’est encore le goût de Catherine II qui règne sur la Russie.

Cette femme qui, malgré l’étendue de son esprit, ne connaissait rien aux arts ni à la poésie, non contente d’avoir couvert l’Empire de monuments informes, copiés d’après les chefs-d’œuvre de l’antiquité, a laissé un plan pour rendre plus régulière la façade du Kremlin ; et voilà que son petit-fils exécute en partie ce projet monstrueux : des surfaces planes et blanches, des lignes roides, des angles droits remplacent les pleins et les vides où se jouaient les ombres et la lumière ; ces terrasses, ces escaliers extérieurs, ces rampes, ces admirables saillies et ces renfoncements, sources de contrastes et de surprises qui plaisaient à l’œil et faisaient rêver l’esprit, ces murailles peintes, ces façades incrustées de tuiles moresques, ces palais de faïence de Delft dont l’aspect parlait à l’imagination, vont disparaître. Qu’on les