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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/359

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plusieurs autres causes que je n’ai ni le temps ni le moyen de discerner.

En voici pourtant une à laquelle je dois vous rendre attentif. C’est le grand nombre de personnes bien nées, mais mal famées, qui, tombées en disgrâce pour leurs déportements, se retirent et se fixent à Moscou.

Après les orgies que notre littérature moderne s’est plu à nous dépeindre, vous savez avec quels détails, mais dans une intention morale, s’il faut en croire nos écrivains, nous devrions nous trouver experts en matière de mauvaise vie. Hé, mon Dieu ! je passe condamnation sur la soi-disant utilité de leur but ; je tolère leurs prédications ; mais j’y attache peu d’importance, vu qu’en littérature il y a quelque chose de pis que ce qui est immoral : c’est ce qui est ignoble[1] ; si, sous le prétexte de provoquer des réformes salutaires aux dernières classes de la société, on corrompt le goût des classes supérieures, on fait du mal. Faire parler ou seulement faire entendre aux femmes le langage des tabagies, faire aimer la grossièreté aux hommes du monde, c’est causer aux mœurs d’une nation un dommage qu’aucune réforme légale ne peut compenser. La littérature est perdue chez nous parce

  1. L’antiquité classique n’est pas morale dans le sens chrétien du mot : elle est noble, à tel point qu’elle restera éternellement le modèle du beau.