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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/369

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sieurs personnages âgés et graves, devant des employés, des hommes en place, qui écoutaient avec une patience extraordinaire cette histoire et plusieurs autres histoires du même genre, toutes fort contraires aux bonnes mœurs ; notez qu’ils n’eussent pas souffert la plus légère plaisanterie offensante pour leur dignité. Je crois donc à la vérité du fait, attesté d’ailleurs par plusieurs des personnes qui font partie du cortége du prince***

J’ai surnommé ce singulier jeune homme le don Juan de l’Ancien Testament, tant la mesure de sa folie et de son audace me paraît dépasser les bornes ordinaires du dévergondage chez les nations modernes ; je ne saurais assez vous le répéter, rien n’est petit ni modéré en Russie ; si ce n’est pas un pays de miracles, selon l’expression de mon cicerone italien, c’est un pays de géants !…

Voici donc comment le fait m’a été raconté : un jeune homme, après avoir passé un mois entier caché dans l’enceinte du couvent de nonnes de***, finit par s’ennuyer de l’excès de son bonheur au point d’ennuyer à son tour les saintes filles auxquelles il était redevable de ses joies et de la satiété qui leur avait succédé. Il paraissait mourant : c’est alors que les nonnes, voulant se défaire de lui, mais craignant le scandale si elles le renvoyaient se faire enterrer dans le monde, s’imaginèrent, puisqu’il était con-