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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/371

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qu’il peut boire plus que tout le monde ; moi, parce que je ne puis pas boire du tout : je n’avais donc pas bu.

Tout à coup, le Lovelace du Kremlin se lève d’un air solennel, et, avec l’autorité que lui assurent sa fortune, son grand nom, sa jolie figure, mais surtout la supériorité de son esprit et de son caractère, il demande à l’assemblée le silence, et, à ma grande surprise, il l’obtient. Je croyais lire la description poétique d’une tempête calmée à la voix de quelque dieu païen. Le jeune dieu propose à ses amis apaisés soudain par la gravité de son aspect, d’apostiller une supplique adressée à l’autorité compétente, au nom de toutes les courtisanes de Moscou, qui remontreraient humblement que les anciens couvents de filles rivalisant de la plus damnable manière avec les communautés profanes, cette concurrence rend le métier facile au point qu’il ne peut plus être lucratif : les pauvres filles de joie ajouteraient respectueusement, disait le prince, que, leurs charges n’étant pas diminuées dans la même proportion que leur lucre, elles osent espérer de l’équité de messieurs tels et tels qu’ils voudront bien prélever sur les revenus desdits couvents une subvention devenue nécessaire, si l’on ne veut pas voir incessamment les religieuses soi-disant cloîtrées forcer les recluses civiles à leur céder la place. La motion, mise aux voix, est adoptée aux