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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/38

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prudence ou de miséricorde : la princesse est partie avec son mari le galérien ; et ce qu’il y a de plus merveilleux, c’est qu’elle est arrivée. Trajet immense, et qui était à lui seul une épreuve terrible. Vous savez que ces voyages se font en téléga, petite charrette découverte, sans ressort ; on roule pendant des centaines, des milliers de lieues sur des rondins qui brisent les voitures et les corps. La malheureuse femme a supporté cette fatigue et bien d’autres après celle-là : j’entrevois ses privations, ses souffrances, mais je ne puis vous les décrire, les détails me manquent, et je ne veux rien imaginer : la vérité dans cette histoire m’est sacrée.

L’effort vous paraîtra plus héroïque quand vous saurez que jusqu’à l’époque de la catastrophe les deux époux avaient vécu assez froidement ensemble. Mais un dévouement passionné ne tient-il pas lieu d’amour ? n’est-ce pas l’amour lui-même ? L’amour a plusieurs sources, et le sacrifice est la plus abondante. Ils n’avaient point eu d’enfants à Pétersbourg ; ils en eurent cinq en Sibérie !

Cet homme glorifié par la générosité de sa femme est devenu un être sacré aux yeux de tout ce qui s’approche de lui. Eh ! qui ne vénérerait l’objet d’une amitié si sainte !

Quelque criminel que fût le prince Troubetzkoï, sa grâce, que l’Empereur refusera probablement jusqu’à