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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/40

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reuse à donner à un peuple aussi rude encore au fond du cœur que l’est le peuple russe. Le prince se rabaisse au niveau de ses sauvages sujets ; il s’endurcit avec eux, il ne craint pas de les abrutir pour se les attacher : peuple et souverain luttent entre eux de déceptions, de préjugés et d’inhumanité. Abominable combinaison de barbarie et de faiblesse, échange de férocité, circulation de mensonge qui fait la vie d’un monstre, d’un corps cadavéreux dont le sang est du venin : voilà le despotisme dans son essence et dans sa fatalité !…

Les deux époux ont vécu pendant quatorze ans à côté, pour ainsi dire, des mines de l’Oural, car les bras d’un ouvrier comme le prince avancent peu le travail matériel de la pioche ; il est là pour y être… voilà tout ; mais il est galérien, cela suffit… Vous verrez tout à l’heure à quoi cette condition condamne un homme… et ses enfants !!!

Il ne manque pas de bons Russes à Pétersbourg, et j’en ai rencontré qui regardent la vie des condamnés aux mines comme fort supportable[1] et qui se plaignent de ce que les modernes faiseurs de phrases exagèrent les souffrances des conspirateurs de l’Oural. À la vérité, ils conviennent qu’on ne peut leur

  1. L’un d’eux a imprimé en trois langues que la vie des exilés en Sibérie est si douce qu’ils passent leur temps à sabler des allées et à arroser des fleurs. (Réfutation de la Russie en 1839, par M. Gretch.)