Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/64

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qu’il parle. Son uniforme, vert russe, proprement tenu, bien coupé, fixé autour des reins au moyen d’une ceinture de cuir bouclée par devant, lui donne une sorte d’élégance. Il a la démarche légère, mais l’esprit extrêmement lent.

Malgré la discipline qui l’a façonné, on s’aperçoit qu’il n’est pas Russe d’origine : la race moitié suédoise, moitié teutonne qui peuple la côte méridionale du golfe de Finlande, est très-différente de celle des Slaves et des Finois qui dominent dans le gouvernement de Pétersbourg. Les vrais Russes valaient primitivement mieux que les populations bâtardes qui défendent aujourd’hui les abords du pays.

Ce feldjæger m’inspire peu de confiance ; officiellement il s’appelle mon protecteur, mon guide ; mais je vois en lui un espion déguisé, et je pense qu’à chaque instant il pourrait recevoir l’ordre de se déclarer sbire ou geôlier… De telles idées troubleraient le plaisir de voyager ; mais je vous ai déjà dit qu’elles ne me viennent que lorsque j’écris : en route le mouvement qui m’emporte et la succession rapide des objets me distraient de tout.

Je vous ai dit aussi que les Russes entre eux font assaut de politesse et de brutalité ; tous se saluent et se frappent à l’envi les uns des autres : voici, entre mille, un nouvel exemple de cet échange de compliments et de mauvais traitements. Le postillon qui