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Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/130

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ne sais de quel côté le vent tournera pour l’auteur des Quatre Saisons ; mais si son ambition se borne à faire le saint chrême et à donner la confirmation, je le trouve bien modeste pour un cardinal philosophe. J’aimerais mieux qu’il donnât un soufflet au fanatisme en l’expulsant, qu’à ses diocésains en les confirmant. Adieu, encore une fois ; je vous embrasse et vous révère. Vous prétendez que mes lettres vous amusent ; je vous répondrai comme le feu médecin Dumoulin, grand fesse-mathieu de son métier : Mes enfants, disait-il à ses héritiers, vous n’aurez jamais autant de plaisir à dépenser l’argent que je vous laisse, que j’en ai eu à l’amasser.


Paris, 2 mars 1764.


Je n’ai ni lu ni aperçu, mon cher et illustre maître, cet ouvrage ou rapsodie de Crévier, dont vous me parlez, et j’en ignorerais l’existence, si vous ne preniez la peine de m’écrire de Genève qu’un cuistre, dans son galetas, barbouille du papier à Paris. Vous êtes bien bon de le croire digne de votre colère, et même de la mienne qui ne vaut pas la vôtre. Que voulez-vous qu’on dise à un homme qui, parlant dans son Histoire romaine d’un cordonnier devenu consul, dit, à ce qu’on m’a assuré, que cet homme passa du tranchet aux faisceaux ? il faut l’envoyer écrire chez son compère le savetier, les sottises qu’il se chausse dans la tête ; voilà tout ce qu’on y peut faire. Sérieusement ce livre est si parfaitement ignoré, que ce serait lui donner l’existence qu’il n’a pas que d’en faire mention, et je vous dirai comme le valet du joueur :

............................ Laissez-le aller ;
Que feriez-vous, monsieur, du nez d’un marguillier ?


Il est vrai que cette canaille janséniste, dont Crévier fait gloire d’être membre, devient un peu insolente depuis ses petits ou grands succès contre les jésuites : mais ne craignez rien, cette canaille ne fera pas fortune ; le dogme qu’ils prêchent et la morale qu’ils enseignent sont trop absurdes pour étrenner. La doctrine des ci-devant Jésuites était bien plus faite pour réussir ; et rien n’aurait pu les détruire s’ils n’avaient pas été persécuteurs et insolents. Les voilà qui font tous leurs paquets plutôt que de signer ; cela est attendrissant. Les jansénistes sont un peu déroutés de leur voir tant de conscience, dont ils ne les soupçonnaient pas. J’ai écrit en m’amusant quelques réflexions fort simples sur l’embarras où les jésuites se trouvent entre leur souverain et leur général. Le but de ces réflexions est de prouver qu’ils