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Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/221

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n’est ennemie ni de Dieu ni des rois ! et quels coups de foudre on peut lancer à cette occasion sur ses ennemis, en rappelant les Damiens, les Ravaillac, les Alexandre I, et tous les monstres qui leur ont ressemblé ! ce serait à vous, mon cher maître, plus qu’à personne, à rendre ce service aux frères persécutés.

Vous ignorez vraisemblablement tous les libelles dont on infecte la littérature, contre vous et vos amis. Vous ignorez encore plus que ces libelles, et surtout le sieur Clément, un de leurs principaux auteurs, sont prônés et protégés par tous les tartufes de Versailles, entre autres par un abbé de Radonvilliers notre digne confrère, qui ressemble à Tartufe, comme son espion de valet, Balteux ressemble à Laurent. Vous ignorez que Cogé pecus a présenté à l’archevêque de Paris, à l’archevêque de Reims, et à tutti quanti, comme un défenseur précieux à la religion, un petit gueux nommé Sabatier, venu de Castres avec des sabots, que j’ai chassé de chez moi, comme un laquais, parce qu’il imprimait des impertinences contre ce que nous avons de plus estimable dans la littérature.

Ce petit maraud, en arrivant à Paris, est entré, en qualité de décrotteur bel-esprit, chez un comte de Lautrec qui avait des procès, écrivait lui-même ses mémoires, et les donnait à Sabatier à mettre en français. Le comte de Lautrec s’aperçut que sa partie adverse était instruite de ses moyens avant que ses mémoires parussent. Il alla chez son avocat et son procureur qu’il traita de fripons. L’avocat et le procureur se défendirent avec l’air et la force de l’innocence, et firent si bien qu’ils découvrirent une lettre de Sabatier aux gens d’affaires de la partie adverse. Le comte de Lautrec, instruit, fit venir Sabatier, lui montra sa lettre, lui donna cent coups de bâton, le chassa de chez lui, en lui enjoignant néanmoins de venir le lendemain, sous peine de nouveaux coups de bâton, le remercier en présence de son avocat et de son procureur, qui, par sa friponnerie, avaient été exposés à un soupçon qu’ils ne méritaient pas ; et cela fut fait. Voilà, mon cher ami, les canailles qu’on protège ; ce n’est pas de ces canailles qui ne méritent que le mépris, c’est de leurs protecteurs qu’il faudrait faire justice.

Il faut que je vous dise encore un trait de Cogé pecus. Il y a déjà quelque temps qu’il alla trouver Larcher, ayant à la main un livre où vous les avez attaqués et bafoués tous deux, et excitant Larcher à se joindre à lui pour demander vengeance. Larcher qui vous a contredit sur je ne sais quelle sottise d’Hérodote, mais qui au fond est un galant homme, tolérant, modéré, modeste, et vrai philosophe dans ses sentiments et dans sa conduite, du moins si j’en crois des amis communs qui le connaissent et l’esti-